Jeudi 24 mars 2016
Elle n'est exposée qu'une fois tous les cinquante ans et sera présentée à Argenteuil (95) jusqu'au 10 avril prochain : la Sainte Tunique est conservée depuis 1200 ans dans la Basilique Saint-Denys, et reste l'une des reliques les plus sacrées du christianisme et un trésor du patrimoine français. D'après la reconstitution des dernières heures de la vie du Christ, Jésus portait cette tunique la veille de sa mort, alors qu'il célébrait la Pâque juive avec ses disciples. Et de traverser quelques heures plus tard les épreuves de la Passion, arrêté après avoir été trahi par Judas. Après avoir été accusé de blasphème, flagellé et humilié, le Christ revêtit à nouveau la tunique.
Tissée d'une seule pièce de haut en bas, sans couture, celle-ci se présente comme une sorte de blouse à manches courtes descendant jusqu'aux genoux, avec une fente pour passer la tête. Au cours du chemin de croix, elle recueillit le sang des blessures de Jésus. Après la mort du Christ, la célèbre tunique quitte Jérusalem et traverse les siècles pour se trouver bientôt entre les mains de l'impératrice Irène de Constantinople (au début du IX ème siècle), laquelle épousera Charlemagne, et lui offrira la relique. Et Charlemagne de confier la sainte tunique au monastère d'Argenteuil, où elle se trouve toujours aujourd'hui. Tour à tour dissimulée dans un mur (pour échapper au pillage viking), puis découpée en morceaux (lors de la Révolution française), elle sera conservée dans un reliquaire, enroulée, puis montrée au public que deux fois par siècle, lors d'une ostension (exposition de la tunique) solennelle. L'ostension actuelle est exceptionnelle et on la doit au 50 ème anniversaire du diocèse de Pontoise, au 150 ème anniversaire de la Basilique Saint-Denys et à l'année de la Miséricorde décrétée par le Pape François. 150 000 personnes sont attendues pour cet événement, qui seront invitées à pénétrer dans la Basilique, et à s'avancer jusqu'au choeur de l'église, où est placée la Sainte Tunique.
La question de l'authenticité de cette tunique se pose car il n'y a pas de preuve absolue qu'elle soit bien le vêtement de la Passion du Christ. Cependant, les observations scientifiques menées sur l'objet sont très concordantes. Certes, le Moyen-Âge fut le théâtre de fabrication de fausses reliques, ce qui poussa l'Eglise catholique à enquêter , à partir du XVII ème siècle, quant à l'authenticité de la Saint Tunique. Elle étudia ainsi les textes qui attestaient de la présence pluriséculaire du vêtement d'Argenteuil. Dès de XIX ème siècle, plusieurs examens scientifiques montrèrent que la tunique était en laine de mouton (1893), qu'elle avait été colorée selon des procédés en vigueur au Moyen-Orient au début de notre ère, qu'elle était bien tissée d'une seule pièce, sur un métier primitif (1882 et 1892), qu'elle correspond au type de tissage identifié en Syrie et au nord de la Palestine au premier siècle, qu'elle est bien tâchée de sang (1892 et 1932), que le sang figure dans le dos et sur les épaules, à l'endroit où aurait reposé la croix portée par le Christ lors de l'ascension au Calvaire (1932 et 1934), et que le sang présent sur la tunique est du groupe AB (1986).
En 2004, une datation au carbone 14 fut effectuée et révéla que la Tunique aurait été tissée entre 530 et 640, mais cette technique scientifique manque de précision quant aux tissus anciens, dont on connait mal l'état de conservation au cours des siècles. Le plus intéressant est la correspondance des informations concernant le groupe sanguin AB du sang qu'on y retrouva. Ce groupe sanguin est en effet identique sur les trois reliques du Christ : la Tunique d'Argenteuil, le linceul de Turin et le Suaire d'Oviedo. De même, on retrouve sur ces trois pièces des pollens identiques, provenant uniquement de Palestine, ceux d'un pistachier et d'un tamarin.
Quid de l'état de conservation de la Sainte Tunique ? Celle-ci a connu bien des péripéties au cours de son histoire et a beaucoup souffert : elle fut cachée dans un mur lors des pillages vikings, puis découpée en plusieurs morceaux par l'abbé Ozet, en 1793, car celui-ci craignait que la relique ne fut détruite par les révolutionnaires. Les différents morceaux seront distribués à des personnes de confiance, ou enterrés dans le jardin du presbytère. Après le retour de la paix civile, les morceaux seront à nouveau réunis, à l'exception de quelques-uns, jamais retrouvés. Au XIX ème siècle, et pour protéger la relique, on lui associera un vêtement de support, une doublure intérieure de soie blanche. Et les morceaux de la Sainte Tunique d'être cousus sur cette doublure. En novembre 2015, il fut toutefois décidé de remplacer ce tissu de support de la relique, abimé, et chargé de plomb. C'est donc sur un nouveau vêtement de support que les visiteurs pourront découvrir la Sainte Tunique.
Revenons maintenant sur la Basilique Saint-Denys d'Argenteuil. Celle-ci fête ses 150 ans cette année, et fut construite de 1862 à 1865 par Théodore Ballu, architecte en chef des travaux de la ville de Paris, dans le style néo-roman, afin d'abriter la Sainte Tunique du Christ. C'est en 1854 que la municipalité d'Argenteuil prend la décision de sa construction pour remplacer l'ancienne église paroissiale, héritage de la vieille abbaye Notre-Dame. Les travaux débutent alors en 1862 et aboutiront à une construction de 76 mètres de long, et de 20 mètres de large dans la nef. Un clocher-porche culmine à 57 mètres de haut et abrite quatre cloches, dont la plus ancienne, « Marie », fut fondue en 1636 et pèse 3350 kg. Elle donne un si bémol qui rythme régulièrement la vie des Argenteuillais.
En 1865, une partie du mobilier et des œuvres d'art de l'ancienne église sera transférée dans la Basilique, dont, entre autres, le tableau réalisé en 1851 par Friedrich-August Bouterwerk, qui représente Charlemagne amenant la Sainte Tunique à Argenteuil. Un autre tableau, plus ancien, et de Brenet, peint en 1762 expose le martyre de Saint-Denis et de ses compagnons. Il est installé dans le croisillon Ouest du transept. Quant à la vieille église de la ville, elle fut démolie et ses pierres serviront à bâtir des habitations.
Aujourd'hui, la Basilique Saint-Denys accueille aussi les deux reliquaires de la Sainte Tunique : le petit reliquaire qui abrite habituellement la relique dans la chapelle du croisillon Est du Transept, remonte à 1844. Quant au grand reliquaire vitrine, il est utilisé lors des ostensions exceptionnelles, et est plus ancien puisqu'il date de 1827. Il fut réalisé en bronze ciselé et doré, dans un style romano-byzantin s'inspirant de l'église Notre-Dame la Grande à Poitiers.
Ouverte au culte dès 1865 , la Basilique sera consacrée le 22 avril 1866 par Monseigneur Mabille, Evêque de Versailles. Le maitre-autel en cuivre doré, incrusté de pierres fines, fut réalisé par l'orfèvre-bronzier Louis Bachelet. Le grand orgue, lui, est l'oeuvre d'Antoine Suret, en 1867. Malheureusement, la guerre franco-prussienne causera des dégâts à l'église en 1870 et Théodore Ballu devra s'atteler aux restaurations.
INFOS PRATIQUES :
-
Ostension de La Sainte Tunique, jusqu'au 10 avril 2016, à la Basilique Saint-Denys d'Argenteuil, Place Georges Braque à Argenteuil. Tél : 01 39 61 25 70.
-
Pour vous rendre sur place, privilégiez les transports en commun : par train (Gare SNCF Argenteuil, ligne J, direction Cormeilles en Parisis Pontoise, Ermont Mantes la Jolie Gisors, 10 minutes depuis la gare Saint Lazare) puis dix minutes de marche. Par bus : ligne RATP 272, stations Calais ou Charles de Gaulle-Henri Barbusse.
-
Site internet de l'évènement : http://saintetunique.com/