Mercredi 11 mai 2016
Je quitte Norseman tôt dans la matinée pour Kalgoorlie-Boulder, ma prochaine étape : drôle de nom pour cette ville qui a fait fortune dans l'or. Et imprononçable. Je n'arrive personnellement pas à le retenir, ni à l'écrire spontanément. Kalgoorlie vient du peuple aborigène Wangai qui vit dans la région nord-est où se trouvent les gisements aurifères, et signifie « endroit où pousse la vigne verte » (plante appelée aussi la banane du bush). La ville actuelle est le résultat de la fusion de deux municipalités, Kalgoorlie et Boulder. Ville fondée en 1893 lors de la grande ruée vers l'or vers ce qu'on surnomme toujours aujourd'hui le Golden Mile. Sa population est d'environ 30 000 âmes, ce qui en fait la plus importante agglomération de la région aurifère et Esperance.
Tout commença en janvier 1893 lorsque trois Irlandais, Patrick Hannan (dont on peut voir sa statue à Kalgoorli-Boulder, ci-dessus), Tom Flanagan et Dan O'Shea se rendirent au Mont Youle et qu'un cheval perdit un fer. Lors de leur halte, les trois hommes trouvèrent des signes encourageant quant à la présence d'or dans la région et décidèrent de s'y poser un peu. Le 17 juin de la même année, Paddy mit la main sur cent onces d'or et attira ainsi une foule de chercheurs d'or sur place. Kalgoorlie (qui s’appellera d'ailleurs Hannan au départ) était née. On comptait alors 2000 âmes dans la petite ville en 1898, et le lieu, qui n'a depuis cessé de prospecter non seulement l'or mais également le nickel et autres minerais, a bien grandi, d'autant plus qu'en 1896, le rail était arrivé jusqu'à Kalgoorlie, révolutionnant ainsi les moyens de transports, pour le meilleur et pour le pire.
La zone aurifère Golden Mile s'étend en réalité sur une bande de cinq kilomètres au sud, zone qui fut plus tard découverte par Sam Pearce et Will Brookman, tous deux à l'origine des deux meilleurs gisements d'or, le Great Boulder et Ivanhoe. Le premier gisement sera lancé avec juste une mise de départ de 30 000 livres, qui sera remboursée trois fois aux actionnaires dès la première année. Très vite, la population de Kalgoorlie va atteindre les 25000 habitants (en 1900), transformant l'endroit à la fois en zone prospère et faisant de Kalgoorlie l'une des villes les plus importantes de l'époque. En 1905, on y comptait déjà six banques, trois brasseries, 26 hôtels, cinq hôpitaux, trois quotidiens et des centaines de commerces. Et la région d'atteindre le chiffre effarant de plus de 200 000 arrivants, dont une majorité de prospecteurs attirés par le désir de devenir riche grâce à la promesse de l'or. S'ensuivit la venue de prostituées et d'autres gens pas toujours très fréquentables. Il faudra aux autorités d'alors de la persévérance pour obtenir la construction d'un pipeline afin de ravitailler la ville en eau depuis Perth. Ce pipeline court toujours aujourd'hui le long de la Great Eastern Highway.
L'histoire ne demeurera pas tout le temps aussi mirifique car la crise va passer par là. Entre 1910 Et 1920, la ville assistera à des fusions de mines, à une baisse de prospection car l'or ne se trouve plus aussi facilement qu'auparavant, d'où une baisse du nombre de prospecteurs. 1920 sera l'année durant laquelle l'or verra son prix remonter temporairement, avant l'éclatement d'une nouvelle crise. Il faudra ensuite attendre que le gouvernement dévalue la livre de 25% , en 1931, pour que l'or redevienne rentable et qu'il soit à nouveau possible de faire fortune au Golden Mile.
Les années 1930 apporteront plusieurs avancées technologiques dans le domaine minier, tout en réduisant le nombre d'emplois disponibles (1939 verra la liste des mineurs au chômage s'allonger considérablement). Ces innovations techniques, qu'on devait alors aux ingénieurs des Mines et aux métallurgistes, allaient être déterminantes pour prolonger la durée de vie de plusieurs gisements. Et une lente reprise de la prospection d'apparaitre après la Seconde guerre mondiale, en attendant que le gouvernement de l'époque ne décide à nouveau de dévaluer la livre en 1949, ce qui fera automatiquement remonter de moitié le prix de l'or.
Durant les années 1980, un certain Alan Bond commencera à racheter les titres de propriété de petits propriétaires afin de bâtir une grosse société minière et d'extraire ainsi l'or à un coût moindre. Mais il apparaitra bientôt que les gisements souterrains coutaient les yeux de la tête en frais d'exploitation et que seuls les puits à ciel ouvert devenaient rentables. Alan Bond n'aura pas bouclé son projet mais, en 1989, la Kalgoorlie Consolidated Gold Mines Pty Ltd sera créée dans le but de fédérer à la fois les investisseurs et les moyens de prospection. Le Super Pit (ou puits géant) va ainsi prendre le relais (ci-dessus) : 3,5 kms de long, 1,5 km de large et 570 mètres de profondeur correspondent plus ou moins aux mensurations de ce gisement extraordinairement grand, que je vais découvrir une fois arrivé au point d'observation du chantier. Ce gisement est pour moitié la propriété de la société minière citée précédemment, et pour moitié celle de Barrick Gold Corporation et de Newmont Mining Corporation. Celui-ci produit annuellement 28 tonnes d'or (soit 850 000 onces) et emploie 550 employés travaillant directement sur le site. A noter que, depuis sa découverte, ce site a permis d'extraire pour environ 50 millions d'onces d'or !
Alors que j'admire le gisement en compagnie d'autres personnes, j'entends une explosion sur le site. Une charge d'explosif vient de faire sauter un nouveau rocher qui sera maintenant déblayé à l'aider de pelleteuses géantes (comme celle ci-dessous), d'origine japonaise, un engin de 68 tonnes qui vaut 1,3 million de dollars pièce. Chaque pelleté permet de transvaser 32 m3 de rochers et débris divers. Impressionnant. Ce sont en effet chaque année quinze millions de tonnes de rochers qui sont ainsi transportés, s'agissant d'ailleurs la plupart du temps de simples débris rocheux.
Je ne rentrerai pas dans les détails de l'extraction et de la production de l'or. D'autres vous raconteraient cela mieux que moi. Je décide de me rendre au musée de l'Ouest australien (Western Australia museum) qui se trouve sur la rue Hannan (baptisé ainsi en l'honneur du découvreur d'or Paddy Hannan!). Ce musée est essentiellement consacré à la culture aborigène et à l'histoire des gisements aurifères de la région Est. Outre les différentes salles, un endroit me laissera songeur, sans doute parce que cette salle contient presque cinq millions de dollars en or, le Gold Vault (la voûte dorée). Protégée par deux grandes portes blindées, la salle offre d'admirer des pépites d'or (ci-dessous) et différents autres objets qui sont en relation avec la prospection minière, comme par exemple ce sac ayant servi jadis à transporter les pépites d'or (deuxième photo). Je n'ai jamais approché de si près la prospérité...
Dans un autre bâtiment, je découvrirai quatre immenses bannières qui appartiennent à des corporations syndicales. Le syndicat des boulangers a la sienne, celui des ingénieurs, et des charpentiers également (ci-dessous). Non loin de là se dresse un autre édifice qui aborde la vie de Claude Albo de Bernales (ci dessous sur la deuxième photo). Cet homme né en 1876 fera fortune grâce à l'or, en partant de rien. Venu de Londres en 1897, à l'âge de 21 ans, et avec juste 5 livres en poche, il travaillera d'abord comme employé pour la société Davis Machinery, société qu'il rachètera plus tard. Il épousera une fille riche, une certaine Elizabeth Picken Berry, en 1903. Celle-ci dirigeait avec ses frères la fonderie de Kalgoorlie. Le couple aura trois enfants, mais Elizabeth décédera en 1927, et Claude de se remarier avec Helen Florence Berry trois ans plus tard. Le talent de cet homme fut de racheter les concessions de mines d'or à leurs propriétaires en passant avec eux un contrat d'échange de bons procédés, en leur fournissant notamment les matériels dont ces propriétaires ne disposaient pas, grâce à la société Davis Machinery. L'idée était astucieuse et cette activité lui rapportera plusieurs millions de livres. Puis Claude Albo de Bernales s'en retourna à Londres et à Paris afin de convaincre les investisseurs d'investir dans l'or. Notre homme avait vu juste car, en 1931, suite à la débâcle boursière, l'or atteignit effectivement des sommets, étant devenu la valeur refuge du moment. Ces mêmes mines d'or aideront d'ailleurs l'Ouest australien à affronter la crise économique d'alors. Et Claude de repartir pour Londres en 1936. C'est à ce moment-là qu'il fut victime d'allégations de corruption sur ses compagnies et que le London Stock Exchange suspendit la cotation de ses transactions dès 1939. Corruption réelle ou méchanceté gratuite, on l'ignore. Ce qu'on sait, c'est que Claude Albo de Bernales ne sera jamais déféré devant un tribunal faute de preuves, malgré une longue enquête. Malheureusement pour lui, il sera contraint de liquider ses sociétés durant les années 1940, retournera vivre dans l'Ouest australien en 1958, avant de décéder en 1963.
Avant de quitter le musée, j'emprunterai l'ascenseur qui me conduira sur la plateforme supérieure de la tour qui surmonte le musée en question. De là, je profiterai d'une vue panoramique sur Kalgoorlie-Boulder. De retour sur la terre ferme, je me promènerai dans la rue Hannan en repérant les façades d'immeubles dignes d'intérêt. Dix d'entre elles ont fait l'objet de photographies que vous retrouverez dans l'album de cette sortie (en cliquant sur l’icône en haut à droite de cet article). Le York Hotel (ci-dessous) en fait partie. Ce bâtiment emblématique de la ville est superbement conservé et respire la grâce et l'excellence. Construit en 1896 pendant la ruée vers l'or, son architecture victorienne présente une façade chamarrée coiffée d'une coupole.
INFOS PRATIQUES :
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Office de tourisme de Kalgoorlie, ouvert tous les jours de 8h30 à 17h00 (du lundi au vendredi) et de 9h00 à 14h00 (samedi et dimanche). Tél:08 9021 1966. Demandez sur place la feuille Accomodation guide, très bien faite. Site internet : http://www.kalgoorlietourism.com
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Le Super Pit est visible gratuitement : lorsque vous venez de Norseman, vous trouverez un petit panneau sur votre droite indiquant »SuperPit 1 » (à un kilomètre). Prenez cette route et grimpez jusqu'au sommet où se trouve un parking. Le site est ouvert de 7h00 à 19h00. Si vous préférez une visite guidée, adressez-vous à Super Pit Tour (tél:08 9021 2211) qui propose des visites d'1h30 ou de 2h00 ( je ne connais ni les prix ni les prestations de ce fournisseur). Mieux vaut réserver à l'avance. Site internet : http://www.kalgoorlietours.com.au
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WA Museum (musée de l'Ouest australien) 17 Hannan Street à Kalgoorlie-Boulder. Tél : 08 9021 8533. Ouvert tous les jours de 10h00 à 16h30. Entrée gratuite. Prise de photos autorisée, sans flash. Site internet : http://www.museum.wa.gov.au
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York Hotel, 259 Hannan Street à Kalgoorlie. Tél:08 9021 2337