Dimanche 22 mai 2016
Ce matin, après une journée de repos à Carnarvon, me voici reparti pour de nouvelles aventures. Je me dirige vers Exmouth, une petite ville de 2500 âmes, située à la pointe du Cap nord-ouest, et à plus de 360 kilomètres de Carnarvon. Le premier document faisant référence à cette région remonte à 1618, lorsque le capitaine Willien Janz du navire « Mauritius » mentionna sa visite sur place, 150 ans avant que James Cook ne découvre Botany Bay. Le capitaine australien Phillip Parker King s'arrêtera ici deux cents ans plus tard, en 1818, alors qu'il explorait la côte nord-ouest et donna le nom d'Exmouth à cet endroit, en hommage à son héros, le Vicomte Exmouth. Ensuite, les pêcheurs de perles débarquèrent, tout comme les éleveurs, qui s'occupèrent de grands troupeaux de moutons dans la zone. Fondée en 1967, la ville d'Exmouth jouera un rôle dans les télécommunications puisque c'est simultanément à la création d'une base de communication très basses fréquences dédiée à l'armée américaine, que cette ville verra le jour. Du pied du phare de la baie, à 25 minutes de voiture, et en dehors de la ville, j'aperçois aisément le site de la base (ci-dessous), avec ses treize pylônes : A l'époque de la crise des missiles à Cuba et de la Guerre froide, les États-Unis possédaient l'arme nucléaire et les sous-marins, mais connaissaient une faille dans leur réseau de communication. C'est donc le 9 mai 1963 qu'un accord sera signé entre l'Australie et le gouvernement américain pour développer sur place une station de communication, afin de permettre aux sous-marins nucléaires américains de communiquer avec leur Etat-Major. La station de radio à très basses fréquences occupe ainsi 400 hectares et comporte 13 pylônes, dont le plus élevé, la Tour O (située au centre) s'élève à 389 mètres de haut. Et repose sur une dalle de béton ancrée à 17 mètres de profondeur. Il faudra d'ailleurs 24 000 m3 de béton pour construire la totalité de cette base, ainsi que 417 kilomètres de fil de cuivre pour les antennes. Le projet sera rebaptisé en 1968 du nom de Harold E.Holt, Premier ministre australien qui se noiera en décembre 1967 à Portsea (Victoria). A ce titre, le golfe d'Exmouth reste marqué par sa vocation militaire qui ne date pas d'hier. La région aura collaboré de longue date avec les pays alliés comme, par exemple,, pendant la Seconde guerre mondiale, l'endroit ayant servi de base américaine de sous-marins, tout particulièrement pour accueillir les sous-marins en lieu sûr pour se ravitailler avant de reprendre la mer, tout particulièrement à la suite de la retraite de Java, en mars 1942 (les Japonais ayant alors envahi la zone). Tant Darwin que Broome restaient en effet exposées à d'éventuelles attaques aériennes de la part du Japon, d'où l'installation à Exmouth d'une base alliée, comprenant entre autre une barge faisant office d'une réserve de carburant de 500 tonnes placée à l'entrée du golfe, une zone d'accueil pour hydravion, et des installations de surveillance (radars et batteries anti-aériennes).
J'ai de la chance car il fait aujourd'hui un soleil radieux et la baie du Cap nord-ouest brille de tous ses feux (ci-dessous). Au large, de puissants courants marins forment des vagues en surface. Un petit phare (deuxième photo) se dresse sur les hauteurs mais son existence est relativement récente. Le 8 mars 1907, le navire SS Mildura (troisième photo) quittait le port de Wyndham avec 498 têtes de bétail destinées à être exportées vers Fremantle. Quatre jours plus tard survint un cyclone qui poussa le navire sur les récifs juste au Cap nord-ouest. Hommes et animaux s'en sortirent sans trop de dommages, bien qu'un bon nombre de bestiaux ne parviendra pas à rejoindre la terre ferme (pourtant proche) à la nage et périra. Le navire, lui non plus ne subira pas trop de dégâts et fera l'objet d'une opération de sauvetage. Mais cet accident poussera les habitants à faire pression pour que soit enfin installé un phare couvrant cette baie certes fréquentée sans encombres par d'autres navires mais restant tout de même potentiellement dangereuse. Le gouvernement ouest-australien se résoudra à emprunter l'argent nécessaire à la construction de ce phare de douze mètres de haut et de plus de cinq mètres de diamètre. L'ensemble sera bâti en pierre et en ciment. Quant à la lanterne, elle sera livrée depuis Birmingham (Royaume-Uni) et fonctionnera au kérosène. Son éclat était visible par nuit claire jusqu'à 35 kilomètres par les navires circulant au large. Ce phare, inauguré le 10 décembre 1912, restera en service jusqu'en avril 1967. A partir de cette date, c'est un phare lumineux, juché au sommet de la onzième tour de la station de radio, toute proche, qui prendra le relais. Plusieurs gardiens de phare se relaieront entre temps pour garder l'endroit, d'abord des hommes, puis des couples dont Madame et Monsieur Butler (en 1914) qui se souviennent encore que le courrier était livré à dos de chameau depuis Onslow (à 200 km de là). Quant au ravitaillement, il arrivait par bateau avec plus ou moins de régularité. Et de se nourrir parfois de lait de chèvre (qu'on trouvait en abondance par place, par rapport à l'eau qui restait encore rare!)
Plusieurs rues de la ville portent des noms d'hommes britanniques ou américains ayant servi lors de la Seconde guerre mondiale. On trouve aussi des rues portant le nom d'opérations militaires ou maritimes. Autant de signes de reconnaissance de la part d'Exmouth envers celles et ceux qui contribuèrent à son existence. 1992 verra toutefois le départ des militaires américains et australiens, qui modifiera conséquemment la population locale, et laissant Exmouth construire désormais son avenir économique. Je ne m'attarderai pas en ville car elle ne présente pas en elle-même un grand intérêt. Non, l'intérêt est ailleurs, même si la ville a surtout misé sur le tourisme et sert de point de départ pour l'exploration du parc marin de Ningaloo Reef et du parc national Cape Range. La curiosité réside surtout dans le récif corallien de Ningaloo situé au large de la côte ouest, à environ 1200 kilomètres au nord de Perth. Ce récif est le plus grand d'Australie, et mesure 260 kilomètres de long. Connu pour accueillir régulièrement des requins-baleines qui trouvent ici leur nourriture, le récif fait partie intégrante du parc marin de Ningaloo, un parc géré à la fois par le Commonwealth et l’Australie occidentale. Ce parc est désormais classé au patrimoine mondial.
Mis à part les requins-baleines qui viennent s'y nourrir de mars à juin, le parc marin abrite une vie marine extrêmement riche avec, les mois d'hiver, la présence de nombreux dauphins car le parc se trouve sur l'axe migratoire de ces cétacés. Dugongs, raies manta, et baleines à bosse sont également visibles, tandis que les plages, elles, constituent un vivier important pour la caouanne, la tortue verte, et la tortue imbriquée, autant d'espèces dépendantes du récif pour la nidification et l'alimentation.
Sur place, on trouve 500 espèces de poissons, 300 espèces de coraux, 600 espèces de mollusques et de nombreux invertébrés marins. La côte de Ningaloo, qui appartient maintenant au patrimoine mondial s'étend sur 705 000 hectares et tire son nom de la langue wajarri du peuple aborigène autrefois dominant dans cette région. Ningaloo signifiant en effet « eaux profondes ». Sur place, il est possible de faire du kayak dans des baies comme Turquoise Bay, Oysters Stacks ou Coral Bay, ou carrément plonger en apnée tout au long de la côte. Pour les baleines, tout se passe au départ de Tantabiddi ou de Coral Bay si vous rêvez de partir nager avec les cétacés, accompagné d'un plongeur. Coral Bay porta jadis le nom de Bill's Bay en souvenir de Charlie French, un éleveur local, qui avait entrepris de bâtir sur place un petit terrain de camping où il vivra avec son épouse Ruby (surnommée Billie). Nous sommes alors dans les années cinquante et soixante. En 1968, la baie verra l'installation d'un premier hôtel, d'un terrain de camping et d'une station-service. L'hôtel prendra le nom de Coral Bay à cause de la beauté des coraux trouvés sur place. La construction d'une route goudronnée dans les années 1980 fera le reste, offrant un meilleur accès à cette baie. Autre activité possible au parc marin : mars et avril correspondent aux mois de frai des coraux, un événement de trois jours qui débute une semaine après la pleine lune pendant ces deux mois. Les tortues peuvent quant à elles être observées au Jurabi Coastal Park. Je n'aurai pas ce loisir, d'abord parce que je ne dispose pas du temps nécessaire cette fois, et ensuite parce que je n'arrive pas à la bonne époque. Le parc marin offre aussi un lieu privilégié pour le surf, les Dunes. Et malgré les restrictions imposées aux visiteurs, afin de protéger ces sanctuaires de vie, il faut savoir que les deux tiers de ce parc sont tout de même ouverts à la pratique de la pêche. Je fais un détour sur ma route pour m'arrêter à Coral Bay mais l'endroit ne me séduit pas car tout ressemble à la station balnéaire type, avec une foule de touristes souvent venue pour plonger au tuba, chacun avec sa paire de palmes sous le bras. Tout est décidément devenu trop commercial et manque désormais de charme.
Plus loin sur ma route pour Exmouth, un panneau m'indique que le parc national de Cape Range se trouve à onze kilomètres. La petite route, d'abord goudronnée, se transformera ensuite en une piste assez chaotique sur laquelle je roulerai au pas pour ménager mon véhicule. Là, pas de plages mais des panoramas impressionnants de gorges et de canyons. Le parc, qui s'étend sur 50581 hectares (80 km de long sur 20 km de large) abrite en réalité émeus et kangourous rouges en quantités, et un nombre incalculable de fleurs sauvages. Le parc a un point culminant situé à 324 mètres et comptabilise plus de 400 caves, et des gorges spectaculaires. Les passionnés de randonnées y trouveront leur compte grâce aux nombreux parcours qui les attendent comme, par exemple, la balade scénique sur la Charles Knife Canyon Road, ou bien la balade des gorges sur la piste de la Shothole Canyon Road (première photo ci-dessous). Il semblerait que ce parc ait échappé au pire durant les années 1950, lorsque les Pétroles Australiens (devenus depuis Chevron) se mirent à prospecter du côté de Rough Range (deuxième photo ci-dessous) avec un premier puits, en vain. Neuf autres puits seront pourtant creusés, dont le N°2, en 1955 mais, après avoir creusé sur 4992 mètres, on dut se résoudre à abandonner les recherches. Comme d'habitude, je n'emprunterai pas la bonne entrée du parc car je ne rencontrerai aucun centre d'accueil du parc sur mon chemin qui s'avérera au bout du compte être un cul-de-sac.
INFOS PRATIQUES :
-
Parc Marin de Ningaloo : https://parks.dpaw.wa.gov.au/park/ningaloo
-
Parc national de Cape Range, à Exmouth. A moins d'être déjà détenteur du Holiday Pass, il vous en coutera 12AUD par véhicule pour pénétrer à l'intérieur du parc. Là, se trouve un camping (10AUD par adulte et par nuit) mais il est vivement conseillé de s'arrêter au préalable au bureau du parc (Department of Parks 1 WildLife), à Nimitz Street à Exmouth, afin de vérifier la disponibilité. Tél:08 9947 8000. Site internet : https://parks.dpaw.wa.gov.au/park/cape-range
-
Office du tourisme, Murat Road à Exmouth. Tél:08 9949 1176. Ouvert tous le jours de 9h00 à 17h00. Site internet : http://www.visitningaloo.com.au/
-
Ningaloo Caravan & Holiday Resort, Murat Road, à Exmouth. Tél:08 9949 2377. 40 AUD pour un emplacement camping-car avec eau et électricité. Accès internet lent mais fonctionnement correct. Au prix où est le carburant ici, n'oubliez pas de prendre une carte de visite d'Exmouth Fuel Supplies, à la réception du camping. Cette station-service vous fera une remise de 5 cents par litre de carburant acheté, sur présentation de cette carte. C'est déjà çà !
-
Exmouth Fuel Supplies, Lot 617 Nimitz Street, à Exmouth. Tél:08 9949 1051. Ouverte tous les jours de 5h00 à 18h00. En sortant du terrain de camping, tourner à gauche et c'est au premier croisement.