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La Gare Chhatrapati Shivaji
(Bombay, Etat du Maharashtra, Inde) |
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Mercredi 31 août 2016
Me trouvant aujourd'hui à Mumbaï (Inde), je pars à la découverte de la gare ferroviaire Chhatrapati Shivaji (anciennement gare terminus Victoria). Cette gare ,désormais classée au patrimoine mondial par l'Unesco depuis 2004, est l'une des gares les plus actives du pays. Elle accueille les trains du réseau Central Railways (dont elle est à la fois la gare terminale et le siège social) et les trains de banlieue de Bombay. A noter que le réseau ferroviaire indien représente 115 000 kilomètres en longueur totale de voies et 65000 km en longueur totale de lignes, ce qui en fait l'un des plus importants réseaux ferrés au monde tant par l'étendue que par l'activité déployée (avec 4,2 milliards de voyageurs transportés chaque année, et 300 millions de tonnes de marchandises convoyées). C'est en 1844 que le gouverneur général des Indes, Henry Hardinge autorisera les premiers investisseurs privés à bâtir un réseau ferroviaire indien. Ce réseau prendra forme en seulement quelques années et le premier train de voyageurs, de voyager de Bombay à Thana (soit 34 km) le 16 avril 1853. En 1908, la première locomotive électrique fera son apparition, pour aboutir de nos jours à l'électrification de 38% du réseau total indien. Les chemins de fer indiens souffriront lors des deux guerres mondiales, et une grande partie de son réseau de filer entre les mains du Pakistan lors de l'indépendance et de la partition des Indes en 1947. Ce furent ainsi 42 réseaux indépendants, y compris 32 lignes propriétés des anciens Etats princiers, qui furent rassemblés au sein d'un ensemble unique baptisé Indian Railways, avant d'être transformé en un ensemble de six zones dès 1951.
C'est l'architecte britannique Fredrick Williams Stevens qui construira cette gare dans les années 1870. Celui-ci percevra d'ailleurs pour l'occasion d'importants émoluments, soit 16 140 000 roupies de l'époque. Notre homme oeuvrera pour le gouvernement colonial des Indes britanniques au travers de plusieurs réalisations (dont le QG de la police du Maharashtra ou l'édifice de la banque Standard Chartered) mais la gare Chhatrapati Shivaji restera la plus célèbre de ses œuvres. La gare Chhatrapati Shivaji entra en fonction le 1er janvier 1882 mais ne sera inaugurée que cinq années plus tard, année de jubilé d'or pour le cinquantième anniversaire du règne de la reine et impératrice des Indes Victoria, d'où le nom de la gare à ce moment-là : Gare Victoria. Il faudra attendre 1996 pour que l'édifice prenne son nom actuel dans le cadre de la campagne d'indianisation des nomns alors menée par le parti nationaliste Shiv Sena. La gare recevra alors le nom du roi marathe Chhatrapati Shivaji, fils de Shahji Bhonsla, né en 1627 à Junnar à une époque où une grande partie de l'Inde était entre les mains des musulmans. Ce roi est considéré par les nationaliste indiens du Maharashtra comme un héros national, d'où le choix de son nom pour (re)baptiser plusieurs édifices, comme cette gare, mais aussi l'aéroport international et le musée du Prince de Galles (qui donna lieu à un précédent article).
La gare est un superbe exemple d'architecture néogothique victorienne en Inde, assortie d'éléments issus de l'architecture traditionnelle indienne. Le bâtiment allait ainsi devenir le symbole de Bombay qu'on surnommera la ville gothique. Le terminal demandera une décennie de travaux avant d'être achevé. Il obéit à une conception du gothique victorien s'inspirant des modèles de la fin du Moyen Âge en Italie. On trouve le dôme de pierre, les tourelles, les arcs brisés et le plan excentré qui rappellent l'architecture des palais indiens traditionnels. Et l'édifice de nous offrir un merveilleux exemple de la rencontre de deux cultures, britannique et indienne, d'autant plus que l'architecte fera appel à des artisans locaux pour intégrer la tradition architecturale indienne afin de créer un style innovant propre à Bombay.
La gare s'étend sur une superficie de 2,85 hectares et représentait alors l'une des plus belles gares fonctionnelles du monde pour l'époque. Ce sont trois millions de voyageurs qui s'y croisent quotidiennement de nos jours. Le bâtiment conserve encore aujourd'hui son aspect extérieur et bénéficie de la protection des chemins de fer indiens, à travers la création d'une zone tampon de près de 91 hectares. Ce terminus ferroviaire possède, en plus des quatre premières voies ferrées d'origine, sept autres voies suburbaines et onze autres en dehors du bâtiment d'origine. Des bâtiments annexes ont donc été élevés dans les alentours avec restructuration de plusieurs autres terrains de la zone environnante. Ces travaux avaient pour but de décongestionner la gare en déviant une partie de l'important trafic vers d'autres gares. Autre défi : la pollution environnante occasionnée par l'activité industrielle et portuaire d'une part et par la salinité de l'air d'autre part. Les façades de l'édifice offrent d'admirer des spectaculaires sculptures de pierre représentant des espèces locales d'animaux, de la flore et de la faune indiennes, des symboles, des tympans arqués, des médaillons à visages humains et des rinceaux de pierre qui ornent les fenêtres. Le décor est d'origine et comporte des sculptures en pierre jaune locale agrémentées de marbre italien et de granit poli par endroits. Le décor architectural, lui, est fait de calcaire. Portes et fenêtres sont faites de bois de teck birman tandis que certaines fenêtres en acier sont montées dans la maçonnerie du tambour de la coupole, agrémentées d'armoiries et de tableaux dans les vitraux. L'architecture avait également prévu d'autres ornements dans lal décoration de la façade principale : gargouilles, allégories grotesques transportant étendards et haches, et bustes représentant différentes castes indiennes. La façade des bas-reliefs offre ainsi les dix administrateurs de l'ancienne Société des chemins de fer indiens. Les colonnes des portes d'entrée de la gare sont quant à elles surmontées d'un lion (qui représente le Royaume-Uni) et d'un tigre (symbole de l'Inde). Autour apparaissent des tympans en forme de paons. Quelques ajouts mineurs ont toutefois été effectués au fil du temps, à l'extérieur comme à l'intérieur de la gare Chhatrapati Shivaji. L'intérieur de l'édifice permet d'observer encore de magnifiques décorations en bois sculpté, mais aussi des céramiques, des ferronneries (dont les grilles des guichets), les balustrades du grand escalier, autant de réalisations dues aux élèves de l'école d'art de Bombay. Le magazine Newsweek du mois de janvier 2009 ne classait-il pas cette gare comme étant la troisième plus belle gare de la planète, après celle de Saint-Pancras à Londres et le Grand Central Terminal (voir mon article sur le site) de New-York ?
Depuis 1995, une législation protège la célèbre gare ainsi que la zone du Fort qui se trouve à proximité. 624 bâtiments sont à ce jour classés à Mumbaï, dont 63 de première catégorie (dont la gare Chhatrapati Shivaji). En 1997, un plan de gestion de l'édifice fut lancé par les Chemin de fer indiens, qui déboucha sur une importante phase de restauration toujours en cours : travaux de conservation, gestion de la circulation autour du site et formation du personnel. Et les fonds financiers de cette opération d'être apportés par le gouvernement indien. Je me promène sereinement à l'intérieur de la gare, tout en me souvenant qu'ici même, l'édifice fut la cible d'une attaque terroriste en novembre 2008. Deux hommes armés de fusils d'assaut pénètrèrent alors dans la salle des pas perdus et ouvrirent le feu sur la foule, tuant plus de cinquante personnes. Curieusement, je me sens plus en sécurité ici qu'à Paris !
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