Dimanche 2 octobre 2016
De retour à La Havane (Cuba) pour quelques heures, je vous propose cette fois de découvrir quelques places remarquables de la capitale. La vieille ville a ainsi été reconnue au patrimoine mondial de l'Unesco pour son mélange intéressant de bâtiments baroques et néoclassiques, sans oublier ses maisons à arcades, balcons, grilles en fer forgé et cours intérieures. Amateurs de belles choses, levez les yeux !
Je me dirige ainsi vers la Place d'Armes (ci-dessous), la place la plus ancienne de La Havane située au centre historique de la cité. On y aurait célébré la première messe lors de la fondation de la ville en 1519 et l'endroit aurait servi aux parades et aux exercices militaires d'antan. La place fut pendant des siècles le centre politique et militaire de la ville, d'une part parce que la résidence du gouverneur s'y trouvait, et d'autre part parce que celle-ci se nichait à l'ombre de la plus importante forteresse de la capitale cubaine. Sur cette place, se dresse la statue de Carlos-Manuel de Céspedes, qui fut à l'origine de la guerre d'indépendance de Cuba. Cette statue fut créée en 1953 par l'artiste cubain Sergio Lopez-Musa. En semaine, de nombreux bouquinistes occupent les alentours du parc et proposent aux passants livres, revues, vieilles photos, monnaies et médailles. Notons que la petite rue se trouvant entre le parc et le Musée municipal est la seule rue de la Havane qui soit revêtue d'un pavage en bois. Au début du XIX ème siècle, celle-ci était encore pavée de gros cailloux ronds dont plusieurs avaient d'ailleurs disparu. Le bruit des carrosses incommodant les riverains, le gouverneur ordonna que ce pavage soit refait en bois.
La Place d'Armes est délimitée au nord par le Castillo de la Real Fuerza, qui fut bâti entre 1558 et 1577. Il s'agit là du plus important exemple d'architecture Renaissance à La Havane et de la plus ancienne forteresse de la cité. 1632 vit l'ajout d'une girouette que l'on doit au sculpteur Jeronimo Martinez Pinzon, celle-ci étant située au sommet de la Tour de l'Espérance. Elle était alors la première statue en bronze coulée à La Havane. Symbole de la ville, la girouette (Giraldilla) fait allusion par son nom à celle de la cathédrale de Séville (Espagne) et on dit même que le sculpteur se serait inspiré de la Sévillane Ignès de Bobadilla, épouse du gouverneur Hernando de Soto, qui ordonna la fortification de La Havane en 1538. Et cette statue de représenter la fidélité et l'espoir du peuple cubain.
A l'est de la Place d'Armes se trouve le petit temple (El Templete), inauguré en 1828 et premier édifice néoclassique de la cité. A l'intérieur se trouvent trois toiles monumentales qui occupent la totalité des murs et sont l'oeuvre du peintre français Jean-Baptiste Vermay, décédé à La Havane et inhumé dans ce temple même. Les toiles commémorent trois évènements d'importance : la première messe donnée à La Havane, la constitution du premier Conseil municipal et la cérémonie inaugurale du temple. Chaque année, le 16 novembre, une longue queue se forme devant le Templete. Il est en effet de coutume de faire le tour d'un arbre fromager se dressant à deux mètres de celui à l'ombre duquel la première messe fut dite en 1519. Le fromager en question cache en partie le fronton du petit temple. Le reste de la façade est de la place est occupé par l'ancien palais du Comte Santovenia, édifice devenu l'hôtel Santa Isabel depuis 1867.
Le côté sud de la Place d'Armes offre une petite bibliothèque de quartier et le Musée d'Histoire naturelle. Ce dernier présente à l'intérieur des objets rares de jadis, et quelques animaux empaillés. On y apprend toutefois que la faune de Cuba contient à elle seule plus de sortes de chauves-souris que tous les pays d'Amérique du Nord réunis.
A l'ouest, se dresse le Musée municipal, installé dans l'ancien Palais du gouverneur espagnol Don Luis de las Casas Aragorri. Le bâtiment connut plusieurs usages au fil des siècles, puisqu'il servit de prison, puis d'Hôtel de ville (entre 1920 et 1958), et de résidence présidentielle (de 1898 à 1920) avant de devenir un musée consacré à l'histoire de la ville. Le patio du musée est bordé d'une cour intérieure à ciel ouvert dominée par une sculpture de Christophe Colomb, taillée en marbre de Carrare. L'intérieur du musée offre au rez-de-chaussée une superbe exposition d'objets religieux, tandis que le premier étage expose armes, habits et accessoires de personnages illustres au niveau national. On peut aussi y admirer le magnifique mobilier d'origine de plusieurs pièces de l'édifice, dont la salle de bal.
Filons maintenant à la Place de la Cathédrale (ci-dessous en photo), elle aussi située dans la vieille ville, et bâtie sur un sol comportant jadis de nombreuses sources naturelles, sources qu'il faudra tarir afin de pouvoir y construire ladite place, mais également les palais et la petite église catholique, l'Oratoire de Saint Ignace. Compte tenu du sol détrempé, l'endroit fut longtemps surnommé Place du Marais, dernière du genre à avoir été aménagée à l'intérieur des fortifications de la cité. Sur décision des Jésuites, l'Oratoire de Saint Ignace laissera place à un autre, bien plus vaste, bâti entre 1748 et 1777, qui constituera un vaste ensemble religieux dont les Jésuites seront bien sûr propriétaires. L'église, dédiée à l'Immaculée Conception de la Vierge sera promue au rang de cathédrale en 1789, année où La Havane sera hissée au rang d'évêché. C'est dans cet édifice que la dépouille de Christophe Colomb sera ramenée en 1796, depuis Saint Domingue, dépouille plus tard transférée dans la cathédrale de Séville (Espagne) lors de l'indépendance cubaine. La cathédrale de La Havane est aujourd'hui connue sous le nom de San Cristobal de La Havana (Saint Christophe de La Havane). Sa façade est l'une des plus belles d'Amérique latine, de style baroque espagnol colonial, avec toutefois une particularité : la tour gauche est plus étroite que la tour droite, pour ne pas encombrer la rue qui y passe. La tour de droite, elle, abrite deux cloches, une petite qui fut fabriquée à Matanzas (près de La Havane) et une autre , plus imposante, importée d'Espagne. Les trois portes d'entrée sont en acajou et en cèdre et sont d'origine. L'intérieur de la cathédrale offre un autel central fait d'un seul bloc de marbre incrusté d'or, d'argent et d'onyx. Quant aux trois fresques situées au-dessus du choeur, elles sont l'oeuvre du peintre italien Giuseppe Perovani.
Le côté est de la Place de la cathédrale est occupé par deux logis jumelés comportant une même série d'arcades. Bien que paraissant identiques, les deux édifices sont différents : celui situé à proximité de la cathédrale est la Maison du Comte de Lombillo, qui sert désormais de bureau à l'historien de la ville. L'autre édifice, bâti en 1741 est le Palais du Marquis d'Arcos, originellement résidence du Trésorier des finances royales. Sur place et sur l'une des colonnes, on peut distinguer une statue de bronze grandeur nature du danseur de flamenco Antonio Gades, œuvre du sculpteur José Villa Soberon.
La façade sud de la Place de la cathédrale est quant à elle entièrement occupée par le Palais des Comtes de Casa Bayona, édifice construit en 1720 par le gouverneur militaire Don Louis Chacon. C'est le plus ancien bâtiment de cette place, qui prit son nom actuel au XX ème siècle, en hommage à cette famille noble à laquelle il n'appartint jamais.
A l'ouest de la place, se dressent deux bâtisses construites au XVIII ème. L'une (celle ne comportant pas d'arcades) abrite un magasin d'artisanat et l'autre (s'avançant sur la place) est l'ancien Palais de los Marqueses de Aguas Claras, bâti en 1760, qui abrite aujourd'hui un restaurant.
La Plaza Vieja (ci-dessous) qu'on surnommait la nouvelle place au XVIè siècle, fut un marché ouvert où l'on avait lieu entre autres le plus important négoce d'esclaves de la ville. Par souci de praticité, quelques uns de ces riches négociants avaient d'ailleurs choisi de s'établir directement sur cette place pour mener à bien leurs affaires. Un temps relégué au rang de stationnement souterrain, la fameuse place bénéficia d'une plus grande mise en valeur dès 1996 puisqu'elle constitue désormais un des ensembles architecturaux les plus impressionnants d'Amérique latine. La Plaza Vieja et sa forme rectangulaire n'attire pas vraiment au premier coup d'oeil. Cela vient peut être de son aspect entièrement minéral. En son centre se dresse toutefois une réplique d'une fontaine qui se trouvait là dès son origine. Il faut en réalité se concentrer vers les bâtiments bordant cette place. Le côté nord rassemble de nombreux commerces (restaurants, boutiques) dont le restaurant Santo Angel installé dans l'ancien Palais de la famille Benitez de Parejo construit à la fin du XVIII ème siècle. Généreuse, Suzana Bénitez de Parejo décidera de transformer le lieu en école (Colegio Santo Angel) pour enfants démunis, en 1866, d'où le nom du restaurant. A sa droite se dresse l'école primaire Angela Landa, avec sa spectaculaire façade complètement refaite en briques et en béton sur une structure métallique datant de 1913. A proximité, s'élève une superbe maison à deux étages dont le rez-de-chaussée est occupé par une boutique.
A l'est de la Plaza Vieja, se dresse l'édifice Gomez Avila, le plus haut bâtiment de la place, dont les étages inférieurs abritent l'hôtel Los Frailes. Tout en haut se trouve la chambre obscure (Camara Obscura), un dispositif projetant des vues de la ville en temps réel sur un écran horizontal concave. Les visiteurs de cette attraction peuvent aussi accéder au toit de l'édifice afin d'admirer les environs. Tout près se trouve le Planétarium, aménagé dans un ancien cinéma, dont le nombre de place est limité à 65, mais qui constitue l'une des attractions les plus intéressantes de La Havane. Le Café Escorial, lui, permet de faire une pause bien méritée.
Le côté sud de la Plaza Vieja offre le Musée des jeux de cartes, situé au rez-de-chaussée du plus vieil édifice de la place, qui fut bâti au XVII ème. Les 2000 objets de la collection donnée par la Fondation Diego Sagredo, représentent moins d'une centaine de jeux de cartes différents. Une autre maison, celle du Comte de San Juan de Jaruco, bâtie en 1737 attire l'attention grâce à sa haute arcade en pierre, son portail décoratif et les vitraux polychromes en éventail placés au-dessus des portes de son balcon. On trouve d'ailleurs de nombreux vitraux sur cette place, au point de constituer un élément caractéristique de l'architecture cubaine. Ces vitraux appelés mediopunto sont souvent placés au-dessus des portes et des puits de lumière.
Sur sa façade ouest, la Plaza Vieja permet d'observer une microbrasserie (Taberna de la Muralla), un des endroits les plus populaires de la cité avec ses équipements autrichiens récents. La Casa del Conde de Lombillo, elle, fut érigée au XVIII ème siècle. Elle se distingue par son arcade à trois arches ornée de fresques, tandis que le premier étage attire l'attention avec ses volets et vitraux qui dissimulent une loggia. Non loin de là, se dresse la Casa de Manuel Antuve, bâtie au XVIII ème. Après la Révolution, celle-ci fut divisée en plusieurs habitations qui abritèrent jusqu'à 54 familles durant les années 1990. L'ex-Palais du Comte Estaban de Canongo se démarque quant à lui des bâtiments environnants par la verticalité des éléments décoratifs de sa façade. L'endroit abrite le Centre culturel Wallon qui promeut la culture belge. Enfin, la Casa de las Hermanas Cardenas accueille aujourd'hui le Centre pour le développement des arts visuels qui présente affiches, photos, et expositions temporaires d'artistes cubains.
Dernière place de cette visite, la Place de San Francisco (Saint François d'Assise), en photo ci-dessous. Elle fut la deuxième place aménagée à La Havane, près des quais du port, et devint rapidement un lieu commercial actif. C'est là que les navires se ravitaillaient et effectuaient les réparations nécessaires avant d'entreprendre la traversée de l'Atlantique vers l'Europe. On y construisit l'Hôtel de ville, la première prison puis la première maison du gouverneur (transférée plus tard sur la Place d'Armes, en 1792). La façade nord de la Place de San Francisco dévoile l'imposante façade de la Bourse. A sa gauche et en retrait, se dresse une maison de trois étages avec une horloge ornant son fronton. Devant ce bureau de change s'élève le Cruceiro (la tour du Crucifix), haut de 7,5 mètres. Au fond de la rue Baratillo (brocanteur), on distingue le bel édifice Art déco de la Marine (Edificio de la Marina Havana). La Bourse n'est malheureusement pas accessible au public. Elle fut construite en 1909 sur six étages et est surmontée d'une coupole décorée d'une réplique de la statue de Mercure, le dieu du commerce. Depuis 1996, le bâtiment est un immeuble de bureaux divisé en 74 modules. Face à la Bourse, on trouve une sculpture surréaliste d'Etienne intitulée « La Conversacion », qui fut offerte par la ville. Le côté gauche de la Bourse est, quant à lui, occupé par le Café El Mercurio.
A l'est, se dresse la fontaine aux Lions, taillée dans le marbre de Carrare en 1836 par le sculpteur italien Giuseppe Gaggini. A côté, l'ancienne Maison de la Douane fut construite en 1911 et ferme la perspective orientale de la place. Cette longue bâtisse qui est depuis devenue le Terminal Sierra Maestra est occupée par des bureaux de l'autorité portuaire.
Sur le côté sud de la place de San Francisco, on peut admirer ce qui fut autrefois un monastère à l'ordre de Saint François d'Assise. L'endroit logea d'abord des Franciscains, premiers moines à s'être installés à La Havane, avant de voir l'ensemble subir de graves dommages à la fin du XVII ème siècle, suite à une violente tempête. Le couvent et l'église Saint François d'Assise actuelle furent rebâtis de 1719 à 1738. Désormais, l'église accueille des concerts et abrite, un musée d'art religieux avec le couvent. Bâti en trois paliers, le clocher situé au milieu de la façade mesure 42 mètres et demeura longtemps la plus haute tour de la ville.
Rendons-nous à l'ouest de la place pour y découvrir le banc de Chopin, partie intégrante du mobilier urbain de La Havane depuis 2010. Cette œuvre fut réalisée par le sculpteur polonais Adam Myjak, et est placée devant un édifice du XVIII ème siècle qui a appartenu au Marquis de Saint Philippe et Santiago, d'où le nom de la société hôtelière qui occupe actuellement l'endroit. Non loin de là, se trouve le restaurant café del Oriente dans la rue Lamparilla (Petite Lampe).
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