Samedi 5 novembre 2016
Je décide ce matin de me rendre à Richmond, petite ville pittoresque située dans la région vinicole de la Coal River Valley, à 24 kilomètres de Hobart. Outre une cinquantaine de constructions géorgiennes, qui fait de l'endroit le plus joli village d'architecture géorgienne de Tasmanie, la ville possède aussi la plus ancienne église, le plus ancien pont d'Australie encore en service, et la plus ancienne prison. Exploré pour la première fois en 1803 par le Lieutenant Bowen, l'endroit fut d'abord surnommé Sweetwater. On créa bientôt un village qui prit le nom de Richmond le 23 février 1824, village qui possédera sa propre prison, cinq ans avant la création du pénitentier de Port Arthur.
Richmond, qui se trouvait jadis sur la route des bagnards, fera appel à ces derniers pour bâtir le fameux pont à arches (en photo ci-dessous) qui servira de liaison entre Richmond et Port Arthur et fait désormais partie du patrimoine australien depuis 2005. Reconnu d'utilité publique dès 1820 par le commissaire royal John Thomas Bigge (qui prêtera un temps son nom à l'ouvrage), la première pierre de la construction sera posée trois ans plus tard, et le pont achevé en 1825. On utilisa pour l'occasion du grès extrait de Butchers Hill, qui fut ensuite transporté jusqu'au chantier à l'aide de chariots à bras tirés par les bagnards.
L'église catholique de Saint john, elle, date de 1836 et est la plus ancienne église catholique romaine d'Australie. Son édification remonte d'ailleurs à la création de la petite ville. Quant à la prison,elle date de 1825 et est la plus ancienne prison du pays laissée dans son état originel. Sa construction nécessita quinze années de labeur (de 1825 à 1840), et l'édifice sera plus tard agrandi, pour bâtir entre autres la maison du geôlier en 1834, une cuisine, le quartier des femmes en 1835, et le mur d'enceinte en 1840. Cette prison est accessible à la visite (voir infos pratiques).
Richmond possède également un ravissant parc miniature reconstituant la ville de Hobart à ses débuts, avec ses rues, ses maisons et ses habitants. C'est l'unique village historique de ce type créé par un Australien. Old Hobart Town a l'ambition d'être plus qu'une simple maquette d'une ville et représente une page importante de l'histoire australienne. La ville, qui a été bâtie en utilisant les plans disponibles de l'époque, nécessita deux années de travail. Elle contient 400 petits personnages (ci-dessous) dont certains feront l'objet d'un jeu (à vous de trouver les quatre figurines mentionnées dans le guide) destiné à mobiliser petits et grands durant l'heure que dure la visite du parc.
Un retour en arrière s'impose cependant pour comprendre l'histoire. Dans les années 1700, l'Angleterre connait à la fois un développement exponentiel de la pauvreté et une recrudescence de crimes. Face au surpeuplement des prisons, la peine capitale est plus que jamais d'actualité mais ne suffira pas. En 1779, Sir Joseph Banks suggère au Parlement de déporter les criminels sur les terres de la Nouvelle Galles du Sud et de faire de l'Australie récemment découverte un bagne à ciel ouvert. Au milieu des années 1700, la France et l'Angleterre sont les deux nations les plus influentes d'Europe, qui lancent toutes deux des expéditions au-delà des mers. Le Hollandais Abel Tasman apercevra bien au large la future Tasmanie, mais le premier à y débarquer sera le Français Marion du Fresne, en 1772. Le navigateur James Cook lui succédera cinq ans plus tard en mouillant à Adventure Cove, bientôt suivi par le Français Bruny d'Entrecasteaux en 1792. Vers 1800, les Anglais virent d'un mauvais œil le fait que les Français puissent un jour revendiquer l'Australie et envoyèrent sur place deux navires avec 300 bagnards, des soldats et autres aventuriers afin d'y établir une première colonie d'occupation. Le Capitaine Bowen, lui, sera envoyé en Tasmanie pour conquérir l'endroit. Accompagné de quelques soldats, il établira un camp à Risdon Cove en septembre 1803. Mais le Lieutenant-Colonel Collins, fraichement débarqué quelques temps plus tard du bateau « Lady Nelson », désapprouvera le choix de Bowen et mouillera un an plus tard à Sullivans Cove, où sera créée la ville de Hobart, qui deviendra très vite la deuxième colonie anglaise d'Australie. La petite ville fut d'abord établie avec seulement 300 habitants, pour la plupart des bagnards et des soldats sous les ordres du gouverneur Collins.
Les maquettes du parc ont été reproduites à l'échelle de 1:6, à l'aide de divers matériaux (ciment, plastique..) et à partir de plans d'archives de la ville d'origine. Quand aux arbres, on a utilisé des myrtes de Tasmanie qu'on tailla à la façon des bonsaïs pour arriver au résultat que l'on connait. Les personnages ont de leur côté été conçus en argile, cuits et peints à la main, ce qui représente un immense travail. Une fois prêt, le parc ouvrit ses portes pour la première fois en 1991. Je ne reviendrai pas sur le traitement infligé par les colons anglais aux Aborigènes, nous en avons déjà parlé dans un précédent article. La ville de Hobart telle que je la découvre dans le parc miniature est celle des années 1820, vingt ans après le début de sa construction. Sullivans Cove (ci-dessus) est représenté avec deux navires au mouillage, le Lady Nelson et le Amity. La tâche n'était pas aisée pour les nouveaux arrivants qui ne disposaient pour bâtir la ville que d'une main d'oeuvre peu qualifiée et souvent inutile. Collins mourra d'ailleurs d'épuisement en 1810 et sera remplacé en 1817 par le gouverneur Sorell, lequel s'attèlera à la rénovation des bâtiments précédents qui étaient dans un état de délabrement avancé. L'île de Hunter (qui n'est plus visible aujourd'hui, excepté ses anciens entrepôts) occupa une place prépondérante au tout début de la colonisation. Le ruisseau de Hobart (ci-dessous) lui aussi a depuis disparu et ne représente plus de nos jours qu'un conduit d'eau souterrain sous la ville. A l'époque, des magasins d’approvisionnement (deuxième photo) abritaient les denrées nécessaires à la survie d'une colonie qui ne se développait pas assez vite aux yeux du gouverneur Macquarie, lequel visitera Hobart en 1811.
Macquarie dépêchera alors encore plus de bagnards sur l'île afin d'aider à la construction de nouveaux bâtiments et du premier hôpital de la ville (ci-dessous), tout en se contentant lui-même d'occuper une maison de gouverneur vétuste (deuxième photo). L'hôpital était un bâtiment sommaire constitué de huit chambres seulement, d'une pharmacie et de quelques cellules pour les fous. Il y avait également un chirurgien, un couturier, trois policiers, cinq infirmiers et deux infirmières. Le tout était placé sous la vigilance d'un directeur qui était en fait un simple geôlier accompagné de sa femme.
Les bagnards étaient divisés en plusieurs groupes. Les plus récalcitrants étaient isolés, enchainés et travaillaient durement sur des chantiers de construction, tandis que d'autres étaient affectés à des colons privés. La prison et le tribunal (ci-dessous) comptaient alors parmi les institutions les plus importantes, pour à la fois juger et punir les fauteurs de troubles. La prison de Hobart (deuxième photo) était quant à elle similaire à celle de Sydney ou de Norfolk. Et comportait une maison pour le geôlier et des quartiers séparés pour les différents groupes de bagnards.
Collins Street (ci-dessous) offrait à cette époque l'ambiance d'une ville coloniale, avec ses bagnards en train de travailler sous la surveillance des soldats. Le style architectural d'alors était avant tout géorgien, ce qui offrait aux maisons un charme particulier. Le petit ruisseau mentionné plus haut servait à alimenter le moulin à eau qui fournissait l'énergie indispensable aux premières activités économiques, dont le broyage du blé pour en faire de la farine, denrée ensuite envoyée à Sydney qui connaissait alors une pénurie agricole (alors que Hobart avait la chance de disposer de vastes terres arables et de pluies fréquentes). La plupart des toits des maisons étaient couverts de bardeaux découpés par les bagnards dans des planches de gommiers ou d'acacias. Ces bois étaient malgré tout loin d'offrir la même durée de vie que le chêne anglais, et l'on remplacera bientôt ce type de couverture par de l'ardoise qu'on importa en grandes quantités depuis Sydney ou Melbourne.
Pêcher la baleine nécessita longtemps la détention d'un permis d'huile de baleine pour les baleiniers de la colonie, permis alors imposé par l'Angleterre et les tout premiers chasseurs avaient du mal à rentrer dans leurs frais. Il faudra attendre 1823 pour que la loi évolue plus favorablement et que Hobart puisse compter parmi les stations baleinières les plus actives du pays. Le capitaine Kelly saura alors tirer parti de la situation et se fera construire une belle maison (ci-dessous). En ce temps-là, l'huile de baleine servait pour l'éclairage et une bonne partie était aussi exportée en Angleterre.
Le premier hôtel de Hobart portait le nom de Hope & Anchor (ci-dessous). Il sera reconstruit en 1830, et existe encore de nos jours. Il reste l'un des plus anciens hôtels d'Australie. Non loin de là s'étire la rue Macquarie, rue étonnante puisque celle-ci rassemblait sur un même côté tous les bâtiments officiels et de l'autre, les commerçants ainsi que tous ceux qui étaient en quête de respectabilité. L'hôtel Hope, lui, se dressait en face des magasins d'Etat, histoire d'être proche de la clientèle. Et Ingle Hall (deuxième photo), splendide demeure d'Edward Lord construite en 1814, de subsister encore aujourd'hui en tant que patrimoine architectural.
A l'origine, Hobart et Sydney étaient rattachées au diocèse de Calcutta (Inde). Il faudra attendre 1836 pour voir la nomination d'un premier évêque en Nouvelle Galles, et 1842 pour voir la Tasmanie dotée de son propre diocèse. A l'époque, l'église Saint David (ci-dessous), qui n'existe plus de nos jours, s’élevait à côté du parc du même nom. Une cathédrale a depuis remplacé l'ancienne église en bois jadis emportée par une tempête.
Thomas Birch appartenait à cette race d'entrepreneurs venus d'Australie, en 1803, en tant qu'officier-médecin à bord d'un navire. Reconverti comme marchand, il fit rapidement fortune dans la spéculation immobilière et dans la chasse à la baleine, puis se fit bâtir une grande maison qu'il prêtera au gouverneur Sorell pour y recevoir ses hôtes. Cette demeure est depuis devenue le Macquarie Hôtel.
C'est ainsi que se décline l'histoire de Hobart à l'intérieur de ce parc miniature dont je vous conseille vivement la visite. En plus, Monsieur Quick, qui m'accueille sur place, pratique la langue française et fait des efforts pour accueillir le mieux possible les visiteurs.
INFOS PRATIQUES :
- Ancienne prison, 37 Bathurst Street, Richmond. Tél: 03 6260 2127. Ouverte tous les jours. Site internet : http://www.richmondgaol.com.au
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Richmond Arms Hotel, 42 Bridge Street, Richmond. Tél : 03 6260 2109. Site internet : http://www.richmondarmshotel.com.au/contact/
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Site de la ville de Richmond : http://www.richmondvillage.com.au
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Un accès internet gratuit est disponible sans mot de passe à Richmond : sélectionnez TasGov_Free et surfez à l'oeil.
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Parc miniature Old Hobart Town, 21a Bridge Street, Richmond. Tél : 03 6260 2502. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Entrée: 15 AUD$. Prêt de parapluie. Document de visite disponible en anglais, français, chinois, allemand et japonais. Boutique de souvenirs. Site internet : http://www.oldhobarttown.com/