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A la découverte du Détroit de Bass
(Centre Maritime du Détroit de Bass, Devonport, Tasmanie, Australie) |
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Vendredi 25 novembre 2016
Ah, ce fameux Détroit de Bass, qu'on appelle ici Bass Strait ! Il fait l'objet d'un centre d'exposition à Devonport où je me trouve actuellement. Et sera le thème de mon article d'aujourd'hui. Située au nord-ouest de la Tasmanie, la petite ville de Devonport, qui compte plus de 20000 habitants, ou plutôt sa région, sera d'abord explorée en 1823 par le capitaine Charles Hardwicke, explorateur, qui deviendra plus tard fermier. L'endroit portera successivement les noms de Port Frederick, puis Mersey River (du nom de la rivière qui traverse la ville), avant d'être divisée en deux, avec Formby à l'ouest, et Torquay à l'est. Il y a encore deux siècles, le Détroit de Bass restait inconnu, jusqu'à ce que deux navigateurs, Matthew Flinders et George Bass n'en découvrent la trace lors de leur pérégrination dans la zone, en 1798. Le détroit a une longueur d'environ 500 km et une largeur de 250 km. Et sa profondeur est en moyenne de soixante mètres. A l'ère Pléistocène, c'est à dite il y a 18000 ans, ce détroit formait un lac peu profond, puis le niveau des océans montera, et inondera cet immense lac, jusqu'à former ce détroit et faire de la Tasmanie une île à part entière. La navigation fut au départ extrêmement hasardeuse compte tenu des forts courants naissant de la rencontre entre la mer Antarctique, l'océan indien et l'océan Pacifique, et de nombreux navires firent naufrage dans cette zone, faisant un temps penser au fameux triangle des Bermudes face à des disparitions de bateaux parfois inexpliquées et inexplicables. Le détroit possède plus de cinquante îles dont les plus grandes sont, entre autres, King Island, Hunter Island,Robbins Island...
La vie locale des habitants de Devonport fut toujours liée au Détroit de Bass, comme durant cette année 1857 qui vit l'arrivée du premier câble télégraphique entre Hobart et Launceston, suivi, deux ans plus tard, d'un câble sous-marin partant de Stanley à Apollo Bay (Etat de Victoria). L'embouchure de la rivière Mersey, elle, restera identique durant la plus grande partie des années 1800 et les nombreux bancs de sable ici et là exigeaient que les navires attendent la marée haute pour entrer au port. Après la fusion de Formby et de Torquay, en 1890, d'importants travaux de dragage de la baie seront entrepris pour permettre l'accès, à terme, des plus gros navires. Et Devonport d'être devenu un port comme les autres une décennie plus tard. Pour améliorer la circulation des bateaux, une jauge mesurant la hauteur de l'eau sera même installée en 1926 à l'extrémité nord du quai de Formby. Un autre navigateur, Joshua Slocum, lui aussi, avait franchi cette passe en 1897 à bord de son voilier « Spray » (ci-dessous), fort impressionné par la beauté des forêts et des fougères de Tasmanie. Navigateur américain, il sera le premier homme à réaliser un tour du monde en solitaire sur un voilier. Et de quitter Boston (Etats-Unis) le 24 avril 1895 pour entamer une longue traversée qui le conduira successivement à l'archipel des Açores et Gibraltar, envisageant un moment de passer par le canal de Suez. La piraterie arabe en Méditerranée l'en dissuadera et il prendra la route des îles Canaries, celles du Cap Vert, se dirigera vers le Brésil, puis vers l'Argentine, empruntant le Détroit de Magellan, avant d'atteindre enfin le Pacifique. Il fera escale aux îles Samoa, avant d'atteindre Newcastle (côte Est australienne) en octobre 1896. Il séjournera six mois dans ce pays, visitant Sydney, Melbourne et...la Tasmanie. Il reprendra la mer en avril 1897 en remontant par le nord vers la Grande barrière de corail, puis traversera l'océan Indien avant de faire une escale de quelques mois en Afrique du Sud. Puis, il remontera l'Atlantique en 1898, pour atteindre Newport (Etats-Unis) le 27 juin de la même année après un périple de 46 000 miles. Il publiera un livre « Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres », en 1899, qui relatera cette traversée épique.
Un autre voilier fait la fierté de Devonport : le Julie Burgess (ci-dessous), construit à Launceston en 1936 pour Harry Burgess, sera destiné à la pêche à l'écrevisse dans le Détroit de Bass, et affrontera avec succès le mauvais temps de l'endroit. Ce voilier est l'un des derniers ketchs encore visibles dans le détroit. La famille Burgess, son propriétaire, se spécialisera dans la pêche à l'écrevisse dans les années 1890 avec un premier bateau, le Lady Brassey. Le Julie Burgess sera pour sa part non seulement un bateau de pêche, mais aussi un navire capable de transporter du bois, des produits fermiers, du bétail, des équipements destinés à la mine et...des passagers, bien avant l'arrivée du rail dans la région ou la construction des premières routes. Une fois restauré, ce superbe voilier se mettra à effectuer de courtes croisières au large de la rivière Mersey, près des côtes de Tasmanie, une activité toujours d'actualité. Peut-être embarquerez-vous pour l'une d'entre elles ?
Dès les années 1790, les Européens avaient repéré les importantes populations de phoques dans le détroit et s'étaient mis à chasser l'animal. Dès 1804, les autorités avaient débuté l'installation des premiers camps de détenus sur l'île, puis la compagnie Van Diemen débarqua sur place en 1828, avec l'intention d'exploiter les terres situées entre Port-Sorell et la rivière Forth. Mais la nature s'avéra impénétrable à cet endroit et compliqua singulièrement la tâche de nos découvreurs. En 1840, l'aventurier James Fenton (ci-dessous) achètera pourtant de la terre près de l'estuaire de la rivière Forth et trouvera une technique pour déforester rapidement les terrains cultivables, au point de devenir rapidement un homme fortuné.
Comme le montre le Centre maritime du Détroit de Bass, la construction navale occupera une place importante dès les années 1850 et 1860. Et plusieurs chantiers navals de fleurir sur les bords de la rivière Mersey (ci-dessous, un navire en construction), servant à construire barges de transport et bateaux. Le bois des forêts environnantes était excellent pour ce genre de travail. La famille Holyman (deuxième photo) fera partie des constructeurs les plus célèbres de cette époque : à la fin des années 1870, la famille possédait déjà quatre navires, et de s'adapter à la demande avec la construction des premiers bateaux à vapeur vingt ans plus tard. Affairistes, les Holyman ne limiteront pas leur activité à la construction de navires mais se diversifieront dans les services postaux, les véhicules à moteur, l'industrie forestière et même dans le transport aérien avec l'une des plus grandes compagnies australiennes, l'Australian National Airways.
Une salle d'exposition retrace les sacrifices de la marine australienne lors de la Seconde Guerre mondiale, alors que le Détroit de Bass apparaissait comme une cible de choix pour les autorités allemandes, puisqu'il reliait utilement l'Angleterre à l'Australie. Le redoutable navire allemand Pinguin sera ainsi dépêché en Australie dès septembre 1940, avec, pour but, de miner six détroits australiens en un minimum de temps afin de ne pas se faire repérer. Ainsi, les mines paralyseraient-elles le trafic des ports australiens, du moins c'est ce qu'espérait le Führer. Dès le 7 novembre, un navire britannique sautera sur une mine et coulera corps et biens dans le Détroit de Bass. Le jour suivant, un autre bâtiment de ravitaillement, américain celui-là, sera également détruit. Le plan allemand avait fonctionné. L'Europe, mais aussi l'Asie, étant plus ou moins paralysées par la guerre, l'Australie apparaitra comme le garde-manger du monde, isolée qu'elle était et disposant des ressources nécessaires pour fabriquer de la nourriture en quantité suffisante. Le développement du port de Devonport avait déjà permis une hausse considérable des échanges depuis les années 1890 : la région exportait bacon, jambon, beurre, farine, fruits, avoine, petits pois, pommes de terre, bois, fourrures d'animaux, bétail, moutons, laine, ciment, voitures et camions. En échange, la Tasmanie importait biscuits, fromages, lait, confiture, fruits, sel, thé, tabac, bougies, médicaments, fertilisants, corde, verrerie, cuir, allumettes, lubrifiants, papier, savon ...et en 1928, les exportations (£591 242) de dépasser les importations (£ 419 666). Dès 1887, les Frères Finlayson s'étaient lancés dans la mécanique en tout genre (voitures, camions et tracteurs, bateaux à vapeur). James avait d'abord créé un atelier à Don River et s'efforçait de fournir les machines nécessaires aux fermiers et au fonctionnement des moulins. Présente au salon de Devonport en 1900 (ci-dessous), la famille Finlayson développera son affaire durant plus d'un siècle, fabriquant notamment moteurs, bicyclettes, ponts, cuisinières, bref, tout ce dont avaient besoin les habitants de l'époque. Très entreprenante, Devonport et sa région contribueront aussi à la production de la célèbre marque suisse Ovaltine (deuxième photo) depuis l'usine de Quoiba (en 1943). Très nourrissante, la boisson chocolatée Ovaltine était préconisée pour les malades, mais également intégrée dans les rations des soldats australiens et fortement recommandée aux pilotes lors de la seconde guerre mondiale. Une autre marque alimentaire britannique, Heinz, installera aussi une unité de fabrication à Devonport en 1942, destinée à fournir l'alimentation nécessaire aux Forces Alliées oeuvrant dans le Pacifique. Le 15 février 1944, la nouvelle usine lançait sa production de jus de tomate, pulpe de tomate, poires, petits pois et carottes en conserve....et 86% de cette production d'être alors exportés vers les Etats-Unis et au profit des Forces Alliées.
Devonport contribuera aussi à la construction du fameux pont métallique de Sydney en fournissant le ciment nécessaire : en 1923, la compagnie Tasmanian Cement Company s'était installée à Railton et produisait déjà 25000 tonnes de ciment dès sa première année. Cinq ans plus tard, elle changeait de nom face à la croissance de ses activités, et décrochait le contrat de fourniture de ciment pour le Sydney Harbour Bridge. Ce ciment était difficilement transportable mais l'entreprise était la seule à posséder le savoir-faire pour charger ce matériau à bord des bateaux. Devonport, et le Détroit de Bass assisteront au fil des ans au remplacement de la marine à voile par la marine à vapeur. Et Benjamin Boyd d'inaugurer dès 1842 le premier service maritime dans le Détroit effectué en bateau à vapeur, entre Launceston, Melbourne et Sydney. Le « City of Melbourne » allait prendre le relais en 1851, toujours dans le même détroit. Et la ruée vers l'or du continent australien qui allait suivre n'allait qu'intensifier le nombre de navires à vapeur dans l'île puisqu'en cinq ans, ce seront 25000 personnes qui traverseront le Détroit de Bass pour rejoindre les gisements aurifères. Depuis, le transport maritime au départ de Devonport a bien évolué et d'admirer pour ma part, de retour à mon hôtel, le navire « Spirit of Tasmania I » amarré au port (ci-dessous).
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