Samedi 3 décembre 2016
Je vais aujourd'hui m'intéresser tout particulièrement à l'histoire de Saint Helens, en visitant le petit musée de l'office du tourisme, qui a été constitué petit à petit, grâce au travail acharné d'habitants bénévoles. St Helens est curieusement la plus grande agglomération du nord-est de la Tasmanie, située dans Georges Bay et à quelques kilomètres seulement de Binalong Bay, et le second plus grand port de pêche de la région, connu entre autres pour ses homards et son thon. Une promenade à pied d'une heure suffit au touriste pour découvrir les dunes Peron ainsi que les jolies plages fréquentées à la fois par les baigneurs et les surfeurs.
Dès le début du XIX ème siècle, St Helens servit de base logistique pour la pêche à la baleine, et, à la même époque, l'endroit servit de port minier face au développement des mines environnantes. C'est à ce moment-là seulement qu'un premier service de diligence sera mise en place pour atteindre la bourgade, qu'on atteignait jusqu'à présent que par la mer. Même le nom de la commune est lié à la mer puisqu'il provient de Saint Helens de l'île de Wight (Angleterre) et c'est bien l'Anglais Tobias Furneaux qui y accostera le premier, en 1773, et donnera d'ailleurs le nom de Georges à la baie alentour. D'où le rôle essentiel du petit port où officieront également plusieurs chantiers navals au début des années 1940 : les abords de la baie Georges verront la construction de navires de plus de quinze mètres et dignes de ce nom, en comparaison aux embarcations plus modestes qui avaient été précédemment bâties. Et les bateaux à vapeur de remplacer bientôt la marine à voile au début de 1960. La construction navale joua ainsi un rôle moteur à St Helens, pour le développement de l'industrie forestière (scieries) puis du transport de l'étain trouvé dans les gisements proches. Ewart Tucker fut l'un de ces entrepreneurs qui se lancèrent dans ce type de construction, en construisant le Arga, puis l'Argonaut, lesquels contribueront au transport du bois, tout comme le Alma Doepel (en photo ci-dessous), qui chargera du bois à Saint Helens pour l'acheminer à Melbourne. En sens inverse, le bateau rentrera avec des explosifs et diverses autres marchandises de Melbourne à Hobart, avant de rejoindre St Helens à vide. Son dernier passage à St Helens aura lieu entre le 24 février et le 4 mars 1958.
Ce petit musée me permettra d'observer un morceau de corail noir datant du dernier Âge de glace (il y a environ 3000 ans), et qui fut remonté un jour dans les filets d'un bateau de pêche qui passait au-dessus d'une colline sous-marine recouverte par un banc de coraux, un endroit qui sera interdit à la pêche à partir de 2003, et définitivement sauvegardé quatre ans plus tard, après la création du parc national marin de Freycinet. Ma visite me permettra ainsi d'aborder l'histoire de St Helens depuis ses premiers habitants aborigènes, en passant par l'occupation européenne, le développement industriel et l'installation des Blancs une fois pour toutes. En fin de visite, je découvrirai l'histoire d'un Chinois dans les mines d'étain de la côte nord-est.
Tobias Furneaux sera immédiatement séduit par l'endroit, qui abondait en phoques et en oiseaux. D'autres Européens suivront, comme Mr Amos, en 1830, qui se rendra de Swansea à Anson Bay à la recherche de pâturages pour son bétail, ou bien Charles Gould qui escaladera la même année le Blue Tier, qu'il arpentera puis divisera plus tard en blocs de terrains de 50 acres chacun, avant qu'une vingtaine d'hommes et de femmes ne vienne s'y installer, moins de trente années après. Il faudra toutefois la découverte d'un premier gisement d'étain, en 1874, du côté de Ruby Flat pour que s'accélère le développement économique dans la région. Et St Helens de jouer alors pleinement son rôle de port exportateur du précieux minerai.
La pêche à la baleine, elle, prendra place ici dès 1821, dans une zone côtière allant de Eddystone Point à Bicheno, en passant par Bay of Fires et St Helens Island. Le cétacé était alors convoité pour son huile, et une centaine de baleines fut ainsi chassée en 1828, jusqu'à ce que cette industrie n'atteigne un pic d'activité en 1839 avec l'existence de 60 stations baleinières traitant annuellement jusqu'à ...mille baleines ! John Treloggen fut le patron de l'unité baleinière de St Helens, laquelle n 'était pas aussi performante que celle de la baie de Swansea. Il emploiera tout de même jusqu'à plus de vingt hommes occupant des emplois aussi variés que charpentier, forgeron, tonnelier, ou harponneur. A l'époque, une station baleinière représentait une mise de fonds énorme, et lors du déclin de la pêche à la baleine, John recyclera par exemple ses tonneaux d'huile de baleine (ci-dessous) pour l'entreposage du fromage de crèmeries. Et le déplumage des cygnes et la chasse aux phoques de venir partiellement remplacer la chasse aux grands cétacés. Cette chasse à la baleine avait lieu l'hiver, au moment de la migration des colonies de cétacés parties mettre bas en Antarctique. Plus tard, on se lancera dans la chasse au cachalot dans les années 1840, face à la diminution du nombre des baleines noires et de leurs petits. L'harponnage manuel, lui, disparaîtra lors des années 1880 pour être remplacé par le harpon à fusil,, puisqu'on disposait désormais de bateaux plus gros qui pouvaient rester en mer plus longtemps.
Quant aux swanners, qui signifiaient tueurs de cygnes, on n'écrivit peu de choses à leur sujet. N'empêche que cette profession comptait parmi les plus cruelles, puisqu'elle consistait à tuer les pauvres bêtes pour en récupérer les plumes qui étaient ensuite utilisées comme isolant et pour la literie. Des centaines de carcasses de cygnes gisaient ainsi en état de décomposition après avoir été abattus. Il arrivait aussi qu'on rassembla ces oiseaux, à l'époque très nombreux, dans des espaces fermés, comme à Moulting Bay, et qu'on les laissa mourir de faim afin que leurs plumes se détachent ensuite plus facilement. Moulting Bay fut ainsi surnommée à cause de cette pratique (moulting signifiant la mue).
Je passerai plus d'une heure dans ce minuscule musée mais, heureusement, pas uniquement sur des sujets aussi tristes. A St Helens, les écoliers d'antan avaient également leur école. Et suivaient les cours entre traite des vaches, labourage des terres, et autres travaux de la ferme. C'est que la priorité était à l'époque d'aider ses parents dans l'exploitation familiale. Il n'y avait pas non plus de bus de ramassage scolaire, et les écoliers arrivaient souvent épuisés en classe à cause des journées à rallonge. Le maitre n'avait pas non plus une tâche aisée car les classes, souvent surpeuplées, rassemblaient des élèves de niveaux différents. Et les conditions de recrutement des maitres, d'être alors très contraignantes. La première école verra le jour à St Helens en 1874 (ci-dessous). La même maison existe toujours aujourd'hui et sert à donner des cours de musique.
St Helens disposait bien sûr de son église. Une photo du Révérend Père L'Oste (ci-dessous) peut être observée au musée. Ce prêtre oeuvrera pour l'église anglicane de la commune pendant de longues années. Né à Lincoln (Angleterre) en 1829, il suivra des études à l'Université de Cambridge, débarquera en Australie en 1860 puis sera ordonné prêtre six ans plus tard. Il officiera alors à Waratah, Cullenswood et St Helens. Il sera le révérend de l'église pendant 23 années avant de prendre sa retraite en 1934, et de quitter ce monde à l'âge vénérable de ...105 ans. A côté de cette photo se dressent divers objets religieux comme un orgue à pédales, des bancs d'église et, plus imposant, un corbillard autrefois tiré par des chevaux. Un coin de la pièce évoque les victimes australiennes des conflits mondiaux, dont celui de la Première guerre mondiale.
De l'autre côté, le sujet de la mine est abordé. Un grand registre des Mines est ouvert, qui servait jadis à l'inscription des mineurs de St Helens, entre 1898 et 1905. Je découvre aussi quelques informations de nature géologique sur le sous-sol de cette région du nord-est : à cet endroit, le sol est principalement constitué de quatre grandes zones granitiques, Scottsdale, Blue Tier, Eddystone et Ben Lomond. Vers 1928, le plateau de Blue Tier avait déjà permis l'extraction de 5000 tonnes d'étain. A l'arrivée des premiers prospecteurs, la zone était pourtant recouverte par la forêt humide, forêt qui sera détruite presque en totalité pour trouver le minerai appelé aussi l'or gris. Ainsi le gisement de Blur Tier s'étirait-il depuis Lottah jusqu'à Garibaldi, en passant par Weldborough, formant une zone de cent kilomètres carrés. A ce jour, seules quelques parties de forêt humide ont pu être régénérées. Environ mille Chinois débarquèrent ici à la fin des années 1800 pour exploiter les gisements d'étain, dépassant en nombre les mineurs européens. On les regardera d'abord avec méfiance , mais ces travailleurs seront vite respectés pour leur dur travail, leur gentillesse, leur générosité (comme à Launceston, ces populations contribueront souvent aux organismes de charité), et leur contribution à l'économie de l'île. La plupart de ces travailleurs provenaient de la région de Canton, mais certains d'entre eux avaient déjà oeuvré sur le continent australien avant d'arriver ici. Ils venaient à la recherche de l'or, mais, à défaut, exploiteront les gisements d'étain. Certains feront venir leurs femmes depuis la Chine, d'autres épouseront des Européennes, mais la plupart adopteront pour toujours le célibat, avec l'espoir de retourner au pays avant leur mort. Vers 1920, cette immigration chinoise diminua sérieusement à cause de la réorganisation des gisements miniers et des règles d'immigration plus restrictives imposées par l'Australie. En 1930, la plupart d'entre eux était parti ailleurs, avait rejoint la Chine ou avait décédé en Tasmanie. Le film de neuf minutes qui est projeté au musée décrit ainsi le voyage d'un Chinois venu retrouver son père dans la région de St Helens. Ce récit est tiré de l'histoire réelle de Gin, le grand-père maternel d'Hélène Chung (voir infos pratiques). Un jour, Gin décida de quitter sa famille afin de retrouver son père, parti faire fortune en Tasmanie dans les mines d'étain. Depuis dix ans, le père n'avait pourtant envoyé aucun argent à sa famille, et avait trouvé son réconfort dans l'opium. Et le fils de retrouver son père, et de tout faire pour lui permettre de regagner sa terre natale, seul endroit où son âme pourrait reposer en paix. Et Gin, de demeurer quant à lui en Tasmanie le restant de sa vie, prenant le nom de Henry, et devenant marchand de fruits.
INFOS PRATIQUES :
- Office du Tourisme, 61 Cecilia Street, St Helens. Du lundi au vendredi, de 9h00 à 17h00, de 9h00 à midi le samedi et de 10h00 à 14h00 le dimanche (de septembre à avril). Petit musée d'histoire (entrée : 5 AUD$). Site internet : http://www.discovertasmania.com.au/about/regions-of-tasmania/east-coast/st-helens
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Online Center, près de l'office du tourisme : Ouvert du lundi au vendredi de 9h00 à 17h00 et les fins de semaine de 10h00 à 12h00. 1,50AUD$ les 10 mn et 5AUS$ l'heure pour accéder à internet à l'aide des ordinateurs du centre. Accès WiFi gratuit avec son propre équipement : LINC_Tasmania (accepter les conditions d'utilisation)
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Bar Banjo's, sur Cécilia Street, St Helens. Bon café, pâtisseries. Accès internet hors d'état.
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Café restaurant Bar Mohr & Smith, 55-59 Cecilia Street, St Helens. Tél:03 6376 2039. Ouvert jusqu'à 20h00. Très bonne cuisine, bon rapport qualité/prix. Accès internet gratuit : Mohr&Smith (+ code à demander à la réception)
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Site d'Helene Chung : http://www.helenechung.com
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Pour lancer la projection du film de 9 minutes, pressez un gros bouton rouge (sur votre droite) AVANT d'entrer dans la salle de projection